La rentrée littéraire 2023 n’est pas avare de bons titres, mais certains se démarquent du lot par la force de leur narration.
Convoi pour Samarcande vous fera arpenter la Russie des années 20, celle qui vient de dire adieu aux tsars et bonjour au communisme qui spolie les récoltes. C’est la Russie de la famine, qui pousse ses enfants sur les routes jusque dans les gares surpeuplées de villes qui crèvent la faim tout autant qu’ailleurs. Le gouvernement, incapable et dépassé, se lance dans le projet d’organiser des convois d’enfants pour des terres plus clémentes.
C’est là que Deïev, le personnage principal, entre en scène. A lui d’affréter un convoi, de recruter du personnel, d’embarquer cinq cent jeunes pouilleux et trouver de la nourriture, de l’eau, des médicaments pour plusieurs semaines. Débute ensuite un voyage halluciné jusque dans la folie d’un homme qui cherche à sauver ces enfants autant qu’à se sauver lui-même. De quoi ? Il faudra aller aux confins du pays et de lui-même pour le savoir.
Entre l’épopée et le conte, Convoi pour Samarcande étonne autant qu’il nous tient en haleine. Terriblement russe par son absence totale d’héroïsme manichéen, le roman dévoile une galerie de personnages complexes, aux prises avec leur morale, leur devoir ainsi que les circonstances. La rudesse du contexte s’apaise dans de brefs instants de lumière, on respire et l’on retient son souffle au rythme de la locomotive qui traverse les steppes.
Alors, vous embarquez pour Samarcande ? (Seulement si vous n’avez pas le choléra)
Convoi pour Samarcande. Gouzel Iakhina. Traduit du russe par Maud Mabillard. Noir sur Blanc. 2023. 25€