Dans l’histoire de la littérature, ce n’est vraiment pas fréquent de clore sa production par un chef d’œuvre. C’est pourtant ce qu’a fait Cormac McCarthy dans ce diptyque époustouflant que vient de publier les éditions de l’Olivier.
Le Passager a une structure en puzzle, ce qui peut dérouter au début de la lecture, mais, pièce par pièce, le récit se met en place et nous livre plusieurs éléments de la vie de Bobby Western, plongeur-scaphandrier, dont le parcours compliqué traverse plusieurs phases. Mais des pièces de ce puzzle, au final, il va en manquer pas mal. Parallèlement apparaissent des textes en italiques donnant une idée de la vie intérieure d’Alicia Western, sa sœur, personnage principal de Stella Maris, le second roman, qui est composé de sept séances entre elle et son psychiatre, dans une forme extrêmement épurée évoquant celle des dialogues socratiques.
Cette recherche formelle permet à Cormac McCarthy de donner sa vision du monde, il est vrai, plutôt tragique. Il est question de la transmission d’une culpabilité transgénérationnelle, ainsi que de la difficulté d’accorder des rapports au monde intellectuels et émotionnels. L’extrême confusion des sentiments est, sous une forme assez dérangeante, évoquée. Il est au final question de l’inadaptation de chacun au monde, qui, part ses fameuses pièces de puzzle manquantes, nous laisse dans un brouillard ontologique assez opaque.
Tragique, donc, mais quels romans testamentaires extraordinaires, marquants, touchants, fabuleux, imparables !
Le passager, Cormac McCarthy, éditions de l’Olivier, trad. Serge Chauvin, 537 pages, 24,50€
Stella Maris, Cormac McCarthy, éditions de l’Olivier, trad. Paule Guivarch, 250 pages, 21,50€

