Dans la grotte, on se terre pour protéger ses forces. C’est le froid qui vous porte quand la nuit est trop longue. Là, dans le silence, apprivoiser les fantômes pour retourner au monde. Au Groenland, on dit que des hommes construisent des grottes pour se retirer. Et y mourir. C’est un pays où l’on peut se laisser mourir. De froid, de lassitude et d’isolement.
À Nuuk, une jeune femme s’élance dans la vie. Alors que l’avenir s’ouvre, elle se sent travailler par des failles. Elle se construit des grottes. C’est pour avoir plus chaud. Auprès de Maliina, les jours sont plus doux. Ensemble, elles font naître l’espoir et l’amour. Les mots qui font vivre commencent à turbiner en elle. Ils s’incrustent dans le coeur de cette jeune inuit minée par les vagues de suicide qui touchent son pays.
Elle déploie une attention folle à ses semblables et tâche d’en prendre soin. La force de ce personnage sensible aux injustices réside dans ce regard acéré et lucide qu’elle porte sur le monde. Elle nous interroge sur la prise en charge des problèmes de santé mentale et la spécificité des problématiques sociales au Groënland. Et puis, mine de rien, elle célèbre les amours différentes. Cet homme qui s’habille en femme. Celui qui rêve d’embrasser un ami. Le regard si particulier des femmes qui se cherchent et se reconnaissent.
Niviaq Korneliussen nous livre un roman impressionnant au style bien maîtrisé. La structure narrative est surprenante et sans appel. Elle nous installe dans une dynamique implacable dont il est impossible de se détacher. Malgré le froid qui s’installe et les lames de fond qui nous bousculent. C’est un roman puissant traversé d’espoir et de luttes. Il nous met face à la beauté éblouissante du monde avant de nous faire voir ce qu’il a de plus crasse. Et pourtant. Il dit avec finesse la fragilité des liens. Des vies. Toujours à reconstruire.
La vallée des fleurs
Niviaq Korneliussen
La peuplade
Tr. du danois par Inès Jorgensen
21€