Le téléphone se situe dans le couloir à l’étage de la ferme. Parfois, on se faufile pour écouter son frère parler à voix basse. C’est peut-être une amoureuse ? Alexandre va reprendre l’exploitation familiale. Alors, ce serait bien qu’elle aime la campagne.
Il y a la nature que connaissent les gens des villes, celle des promenades du dimanche, celle qui sert de décor pour les photos publicitaires d’un jambon quelconque. Il y a la nature qu’il faut exploiter, ou défendre à tout prix. Mais au quotidien, aux Bertranges, on vit avec l’odeur des vaches et le bruit du John Deere dans les oreilles. On attend chaque été que le champ de menthe se tapisse de fleurs bleues. On surveille que l’eau afflue toujours dans les sources.
D’un regard juste et généreux, Serge Joncour retrace la vie d’une famille marquée par l’élection de Mitterrand en 1981 et les catastrophes qui jalonnent la fin du vingtième siècle. Dans un monde agricole en proie à de profondes mutations, les décisions à prendre sont vertigineuses. Comment mesurer les dangers qui se profilent dans ce progrès si attirant ? Ces questions persistent dans l’esprit des exploitant.e.s comme des militant.e.s du Larzac, de Toulouse et d’ailleurs.
À la manière du cinéaste Raymond Depardon dans Profils paysans, Serge Joncour se place à juste distance de personnages attachants, dévoilant avec une grande finesse toute la complexité des trajectoires humaines et des choix politiques et individuels.
Serge Joncour
Août 2020
Flammarion, 21€
PRIX FEMINA 2020
Librairie La Nuit des temps 