Helen, surnommée Hell, vit avec son père dans la ville de Rosary en Californie. Les spécialités du coin sont la raffinerie, les églises évangéliques et la décharge de pneus, parfait spot pour écluser des bières quand on a seize ans, des potes aussi débiles qu’attachants, une tante voyante et plus de mère. Des dieux sans majuscule raconte un bout de vie aux côtés d’Helen, cette vie un peu poisseuse qu’est l’adolescence lorsqu’elle est nourrie de désirs muselés, d’une abyssale sensation de solitude et d’un deuil mal fait qui vient se cogner dans tous les coins du coeur.
Mais là où Tupelo Hassman montre son talent littéraire, c’est lorsque, entre deux chapitres d’une drôlerie décalée et piquante, elle vous attrape le coeur, le roule en une petite boule serrée, et le lance dans un coin de caniveau humide. Parce que le cliché sur l’adolescence, ce serait de croire qu’elle est aussi pataude et grossière que ces êtres qui découvrent leurs corps, leurs émotions, leurs désirs. L’adolescence est une constellation de nuances, où tout peut prendre l’aspect d’un tour en montagnes russes aux normes de sécurité suspectes. On ressent une chaleur au contact de tante Bev, on cherche à se blottir contre Rain et Winthorp, on voudrait surtout pouvoir réconcilier Helen avec elle-même, tout en la voyant avancer sur son propre chemin, celui fait des erreurs, des doutes et des embûches d’une vie toute neuve et déjà un peu abîmée.
L’écriture de Tupelo Hassman nous happe comme une lame de fond, nous accroche à cette ville perdue dans ses croyances, et nous montre, avec talent, qu’il existe un millier de façons de faire famille, même en bricolant quelque chose d’un peu bancal.
Des dieux sans majuscule. Tupelo Hassman. Traduit de l’américain par Laurence Kiefé. Editions Bourgois. 2021. 441p. 22.50€
