En 2015, les éditions Libertalia ont participé à la publication d’un ouvrage fort et marquant. Un livre qui venait combler des manques. Une bouffée d’oxygène. L’intuition persistait depuis longtemps. L’histoire ne s’est pas faite que par les hommes. Les révolutions non plus. Mika Etchebéhère est là pour le confirmer. Les femmes ont combattu et pris les armes. Et pourtant, il existe encore aujourd’hui dans la production littéraire trop peu de textes les mettant en valeur. Cette année, nous avons la chance de redécouvrir en format poche le témoignage de Mika Etchebéhère.
Elle retranscrit la lutte entre les fronts fascistes et républicains qui s’est déroulée en Espagne dans les années 1930. Venue d’Argentine avec son mari Hippo, Mika Etchebéhère s’investit dans différents mouvements ouvriers et libertaires. Leur amour ne se départ pas de l’engagement militant. Et quand un vent révolutionnaire souffle sur l’Espagne, le couple n’hésite pas à prendre les armes aux côtés d’anarchistes, révolutionnaires, syndicalistes et marxistes en tout genre. Suite à la mort de son mari, Mika Etchebéhère prend la tête d’une colonne du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (POUM), avec l’espoir tenace de voir la révolution advenir un jour.
À travers un récit incarné et vivant, le texte donne à voir la complexité de la lutte politique ayant lieu en Espagne. On suit la colonne du POUM dans ses combats, animé par une véritable empathie pour les camarades de Mika Etchebéhère. Son témoignage rend compte du rapport autoritaire et affectif qui se
lie entre les soldats et leur commandante. Son statut de femme l’empêche clairement de mener une vie
ordinaire de soldat. Comment peut-elle alors construire un rapport d’autorité avec ses hommes ? Comment éviter de retomber dans un rôle de femme assignée à une fonction maternelle ? Rédigé à la fin de sa vie, ce récit révèle en outre la manière dont les savoirs dits féminins, d’intendance notamment, sont d’une pertinence politique cruciale. La colonne du POUM fait partie des plus vaillantes. C’est aussi la seule qui bénéficie de chaussettes et de café chaud ! Mika Etchebéhère rend compte de ces questionnements et de ce quotidien dans un récit marquant.
Pour prolonger la réflexion :
Les femmes ou les silences de l’histoire, de Michelle Perrot. L’historienne s’est attachée à mettre à jour des vies de femmes au 19e et 20e siècles. Ensevelies par une histoire écrite au masculin, les femmes ont pourtant vécu et lutté. Il est précieux de disposer d’ouvrages qui permettent de les redécouvrir !
Tea Rooms, de Luisa Carnés. Quand on parle de la guerre d’Espagne on pense milices, drapeaux et fracas des armes. Ici, on est loin du front, mais au coeur de la révolution. Dans un salon de thé, les trajectoires se croisent. Les femmes cherchent du travail, un mari, ou l’adresse d’une avorteuse. Au détour des bruits de couloir, on découvre leurs combats respectifs. L’envie de s’émanciper. La résistance quotidienne au patriarcat. Le roman de Luisa Carnés, écrit en 1934, est traduit pour la première fois en France par Michelle Ortuno. Les éditions de la Contre-Allée nous offre la chance de redécouvrir notre histoire récente à travers un point de vue féministe.
Ma guerre d’Espagne à moi, une femme à la tête d’une colonne au combat, Mika Etchebéhère, Libertalia,
10€.
Les femmes ou le silence de l’histoire, Michelle Perrot, GF-Flammarion, 13€.
Tes Rooms, Luisa Carnés, La Contre-Allee, 21€.
